CONFESSIONS DE FEMMES


Gertrude

Quand tu commences ta vie par la malchance, la cicatrice ne te quitte jamais. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé au juste pour que je me trouve à ce point. Souffrant et pleurant tous les soirs.
C’était l’homme le plus gentil du monde quand je l’ai connu. Aimable, beau et galant à la fois. Je vous jure que c’est à tout cela que je me suis marié. A ce bonheur visible et vivable. Je me suis marié à cet homme parce qu’il savait me prendre. Dans la totalité du désir et de l’envie. Spécialiste du toucher sensuel. Spécialiste dans les préliminaires d’un après midi heureux. Peu d’hommes ont cette qualité. Plusieurs fois je suis allée au ciel d’amour grâce à lui. Avec lui.
La vie n’est pas juste. C’est très difficile de savoir si on va finir avec ce qu’on a commencé. Tout était si bien chez moi. Le départ de mon mari le matin était comme une déchirure. Un pincement de chagrin qui restait lourd jusqu’à son retour le soir. L’amour. Comment vous dire que cet homme m’aimait. Je l’ai vu me louer, m’adorer et vivre le bonheur d’être prêt de moi.
J’ai aimé mon mari. Je crois que je l’aime encore. Je ne sais pas si je me trompe.
Après le deuxième anniversaire de notre mariage, sa mère et ses deux sœurs sont venues le voir pour un conseil de famille auquel je ne pouvais pas assister.
C’était la première fois que je n’assistais pas à un conseil de sa famille. C’était la première fois qu’il me laissait dormir seule toute une nuit depuis notre mariage. C’était la première fois que je me réveillais le matin sans qu’il soit tout prêt de moi.
Debout, j’ai compris que pour la première fois il était parti sans me réveiller. Sans faire sa toilette. Sans que je n’apprête son petit déjeuner qu’il prenait toujours à la maison. Face à ses sœurs et sa mère, j’ai connu ce jour là un sentiment de culpabilité. Sans savoir ce que j’avais fait pour être victime ou coupable.
« Ça ne sert à rien de battre un tam-tam qui ne résonne pas ».
-         Notre frère n’est pas un jouet sexuel.
-         Ni un pêcheur malchanceux.
-         Mon fils vient de comprendre que lorsqu’un terrain n’est pas fertile, on doit aller mettre ses semailles ailleurs.
Pour la première fois devant ces femmes, je constatais que je n’avais pas fait d’enfant. En deux ans, on avait vécu heureux. Comme on vit pour l’éternité. Sans enfant. Sans penser à l’enfant. Intensément.
J’ai gardé mon silence devant l’affront de ma belle-mère. Et j’ai attendu mon mari. J’ai fermé les oreilles aux insultes de mes belles-sœurs pour que mon mari rentre vite le soir. Pour qu’il vienne le plus vite construire dans mon désir de faire un enfant. Ma rage de prouver à sa famille qu’il nous fallait seulement y penser.
Ce soir là, il n’est pas rentré comme d’habitude. Ce n’est pas lui qui est rentré ce soir là. Quand j’ai ouvert la porte qu’il frappait, j’ai vu un homme soûl qui ressemblait à mon homme. Mon homme qui ne rentrait jamais soûl.
Sans me parler, il s’est mis à me rouer de coups. Violent ! En criant comme si la douleur des coups qu’il me donnait lui transperçait le cœur. Je courais dans la maison sans savoir où aller ni que faire pour qu’il arrête de verser sa violence sur moi. Il est tombé au bout d’un moment et le sommeil l’y a rejoint dans sa chute.
Notre bonheur a pris un coup de vieux ce jour là. Ce soir là.  Il est tombé soûl au milieu de la maison et toutes ses qualités se sont dissoutes dans les urines qui mouillaient son pantalon pendant son ronflement dans un décibel haut.
Plus rien n’a continué comme avant. Ses envies étaient froides.  Son sourire réservé, son regard absent.
Comment pouvions-nous faire un enfant dans cet état ? Plus jamais l’homme qui m’a épousé n’est venu à moi. Je dormais avec un homme différent. Je couchais avec cet homme différent et dans ce doute et ce manque de confiance, je ne pouvais pas concevoir.
Il est venu à la maison un soir avec une femme. Et c’est moi qui étais contrainte de prendre le canapé pendant que le monsieur sans explication avec son invité faisaient la fête de la nudité dans notre lit. Il est venu ce soir là avec la rage de me tuer si j’ose faire quelque chose. Il est venu avec préméditation et je n’ai pas réagi. Je ne sais pas si j’ai eu tort.
Il est venu encore et encore plusieurs soirs de la même façon. Toujours avec des femmes qui me regardaient comme un truc épuisé. Son amour pour moi était fini. Je n’ai pas vu venir la fin. Personne n’a vu la fin de cet amour qui est parti finissant dans les décombres d’une stérile volonté.
Je suis partie de cette maison où on ne me voyait plus. Indésirable. J’ai quitté à contre cœur cet homme qui m’a fait vivre le bonheur, l’amour. Je suis partie pour ne pas mourir de chagrin. Pour ne pas le voir chaque jour souffrir de n’avoir pas le courage de me dire de partir. Je suis partie la main sur le cœur qui battait très fort. Avec l’espoir qu’il vienne me chercher un jour. Qu’il vienne m’aimer encore. Il m’a oubliée. Avant même mon départ je n’existais plus.
J’ai enterré mon amour pour lui dans la souffrance de deux ans d’attente. Coupable de n’avoir pas eu d’enfant. Coupable de n’être pas à la hauteur des autres femmes. Et puis un homme est venu vers moi. Maladroit comme aucun autre homme. Un puceaux vraiment puceaux à trente deux ans mais fécond comme un microbe. La seule fois qu’il m’a vendu sa maladresse, je suis tombée enceinte. Et la joie de ce présent a noyé mon passé triste.
Trois mois après la naissance de ma fille, j’ai conçu encore. Mon mari était à sa quatrième femme après moi. Sans enfant. Violent de plus en plus.
Pendant ma deuxième grossesse il est venu me voir. Alors que depuis mon départ il n’avait pas cherché à me rencontrer.
Sa mère aussi est venue me voir. Pour que je redonne vie à son fils. Je lui ai dit que je suis un tam-tam qui résonne et je ne supporterai plus de vivre avec un batteur qui ne sait pas me faire résonner.
Quand la semence n’est pas bonne, il ne faut pas accuser la fertilité du sol. En six ans, j’ai fait cinq enfants. Loin de l’homme que j’ai aimé comme plus jamais. 









Solange

Je ne veux plus parler de lui. Je ne veux plus. Parler de lui ; c’est lui donner de l’importance. Il n’en mérite pas. Il ne mérite pas le moindre attardement sur son cas. Sur sa personne. Il ne mérite rien.
Quand il était venu me voir pour la première fois, j’étais heureuse. Heureuse parce que j’avais souhaité des années durant qu’il vienne un jour à moi. Finalement il est venu à son temps voulu. Après que sa belliqueuse de femme soit partie. Il est venu. A son temps voulu. Après une douleur.
C’est parce que sa femme est partie qu’il est venu m’aimer. Il ne m’a aimée que parce qu’il n’avait plus de femme. Dans la douleur. Les hommes sont méchants je confirme. Chaque soir il venait comme un malheureux me voir. Il frappait nonchalamment à ma porte et j’ouvrais pour lui sourire. Je lui donnais ma bonne humeur, on partageait mon repas et après il dormait dans mon lit. Il ne dormait pas seul dans mon lit. J’étais obligé de rester près de lui. Près de sa douleur. Cet homme que j’ai aimé, je le déteste aujourd’hui. Je l’ai aimé quand il était avec sa femme. Je l’ai longtemps aimé en priant pour que sa femme le quitte. Et sa femme l’a quitté. J’ai seulement prié et sa femme a compris qu’elle n’était pas faite pour lui. Je n’ai rien fait d’autre que prier. Prier pour qu’il vienne vers son bonheur. Je me suis donné à lui sans réserve. Les hommes son méchants je confirme. Chez moi il ne manquait de rien. Pour qu’il n’aille pas boire au bar, je chargeais chaque soir mon frigo de plusieurs bouteilles de bière. Pour sa douleur. La bière permet aux hommes d’oublier. On ne peut pas aimer un homme. Il buvait chaque soir mes bières en me disant des mots doux. Je croyais qu’il était sincère. Qu’il perdait le passé. Je ne cherchais pas à savoir si c’est sincère. Je l’aimais c’est tout. Je lavais ses pieds et le massait le soir avec des baumes essentielles. Il nageait dans le bonheur et me disait n’avoir jamais connu cette attention. Je vous confesse sa confession.
Pourquoi je parle de lui ? Je peux encore être aimé. Je ne dois plus parler de cet ingrat qui m’a quittée à la simple vue de ma cousine. Il a regardé ma cousine. Ma sale cousine comme une déesse. Il ne m’avait jamais regardée comme ça. J’ai vu dans son regard quelque chose d’étrange. Quand il regardait ma cousine, je le regardais. Il ne voyait même pas que je le regardais regarder ma cousine.  Après tout ce que j’ai fait pour lui. Pour qu’il ne sente pas le poids du départ de sa femme, il a regardé ma cousine. Je ne sais pas ce qu’est venue faire ma cousine chez moi.  Nous avons passé une nuit merveilleuse et c’est ma cousine qui est venus frapper le matin. Elle ne vient jamais chez moi le matin ma cousine. Il y a des jours malheur. Et l’histoire est terminée. L’histoire qui était si belle la nuit est terminée. Il a hypnotisé ma cousine de son regard et comme une momie elle l’a suivi sans parler.
Il a dit : « ta cousine est un fleuve qui m’emporte » et il est sorti. Il n’a dit que ça et il s’est noyé dans le fleuve de m’a cousine qui n’a pas raté l’occasion.  Depuis trois mois j’attends que le salop revienne. Qu’il ait une autre douleur. Qu’il frappe nonchalamment à ma porte pour que je lui donne son bonheur. Pour que je masse ses pieds en les lavant. Il s’est enfermé chez lui avec ma cousine. Elle est déjà enceinte ; la saloppe. Ma cousine est enceinte de l’homme que j’aime. Que je n’aime plus. Que je ne veux plus aimer. Je veux que cet homme quitte mon esprit. Je ne veux plus penser à cet homme. Je vais prier. Tous les soirs. Le matin, à midi. Prier et prier pour qu’il quitte ma cousine avant l’accouchement.