dimanche 19 juillet 2009

les histoires de Monsieur Nimportequi


Théâtre/Cameroun
Wakeu Fogaing - Cie Feugham

Auteur, comédien, metteur en scène et directeur de la Cie de théâtre Feugham, à Bafoussam au Cameroun. Engagé, il incite ses compatriotes, à travers ses spectacles, à abandonner les mirages (entre autres ceux de l’Occident) pour reprendre leur destin en main et faire en sorte qu’un changement politique soit possible. Le principe du monologue (monothéâtre) est une forme que connaît Wakeu, qui a créé Les Histoires de Monsieur Nimportequi, spectacle venu en France après avoir circulé en Afrique de l'Ouest et en Afrique Centrale. Parmi ses dernières mises en scène, tout justement créé La vie privée de Dovie Kendo ( http://wakeu.afrikblog.com ). Il sera présent en juillet 2009 au Festival d'Avignon pour jouer dans Cahier d'un impossible retour de Valerie Goma.
Wakeu a joué en France avec Frédéric Fisbach, notamment au Festival d'Avignon en 2007. S’il connaît les arcanes et les couloirs d’une partie du théâtre français, ce n'est pas sans creuser une autre veine, salutaire, qui rend compte de sa perception d’un monde contemporain, semble-t-il civilisé, en totale confusion. Le grotesque, l’absurde, l'ironie, campent dans son théâtre. Complice du dramaturge camerounais Kwam Tawa, c'est souvent avec lui que les création naissent et s'ajustent.
Pour en savoir un peu plus
Tout le monde, à un moment de la vie, a envie de prendre la parole pour crier son mécontentement ou donner son opinion sur ce qui traverse le temps. Les Histoires de Monsieur Nimportequi circulent comme le sang du quotidien pour rire de nos excès et de nos manques. Elles passent pour être des histoires à dormir debout que l’homme raconte pour se trouver une place et dormir assis. J'ai déjà écrit et joué à Douala et Yaoundé un spectacle décapant autant que drôle pour dénoncer les travers de la politique de mon pays. Ces histoires de Monsieur Nimportequi en sont la suite, écrites pour un large public. Voilà ce q'explique Wakeu.
C’est donc à partir du discours politique mis en abîme, de la place d’un village ou d’une ville où se jouent des déraisons et des conflits vieux comme le monde, de la collecte de quelques visions lors de son passage dans les pays occidentaux, d’une relecture des plaies de l’Homme, et enfin de la confusion généralisée, que FOGAING tire son puzzle d’histoires et prête sa voix à un Nimportequi dont nous sommes peut-être les voisins ou mieux (ou pire), les complices. Auteur et comédien engagé, il incite ses compatriotes, à travers ses spectacles, à abandonner les mirages de l’occident pour reprendre leur destin en mai et faire en sorte qu’un changement politique soit possible. Ses projets sont d’autant plus ambitieux que la dictature qui règne dans ce pays interdit aux Camerounais de parler librement de politique et d’exprimer leurs opinions. Mais le pouvoir d’un spectacle demeure limité, tant il est difficile de faire circuler les œuvres. Tant il est dur pour un homme libre de circuler ! Ici l’essence même du personnage de Monsieur Nimportequi vient de la multiplicité des caractères qu’abhorre l’homme, passant de père de famille à chef d’entreprise, de l’amoureux à l’offensé, du politicien au citoyen ou de l’électeur au candidat. A l’origine du projet, il s’agissait de partir d’un personnage instable, nomade et presque sans statut réel. Jusqu’à ce que soit évident qu’une non-situation est une situation et surtout qu’une instabilité se transforme, paradoxalement, en une infernale stabilité. De cette ambiguïté, Wakeu FOGAING s’est convaincu de la nécessité de donner une reconnaissance au personnage, un visage qui cette fois permettrait de le reconnaître par tous comme un voyageur qui circule sur l’autoroute même de la dénonciation. La vengeance devient alors l’une des composantes du récit, pour puiser dans le caractère le plus mécréant de l’homme dans sa société. Monsieur Nimportequi, devenu un personnage cliché, se pare alors de différents masques et arpente les difficultés de vivre avec les autres hommes, la difficulté de taire l’intouchabilité des plus forts dans les scénarios de la vie quotidienne. Finalement, c’est Wakeu FOGAING qui parle aux publics rencontrés dans une salle de spectacle, dans une sorte de conférence improvisée, jusqu’à ce que Monsieur Nimportequi le contamine. Si au début Wakeu FOGAING se présente comme un conteur moderne qui décrit, raconte te confesse, interprétant un personnage de Monsieur Nimportequi, la suite bascule progressivement jusqu’à ce que l’acteur et son personnage se télescopent l’un l’autre, dans un dédoublement de personnalité. Et l’on passe de la conférence contée et improvisée initiale à une joute du réel et de la fiction. C’est l’auteur qui triomphera du personnage à la fin, en prenant la parole pour parler de la situation sanitaire de ce pays. Edifiant! Le discours de Monsieur Nimportequi est sans cesse au bord de la dénonciation, nourri de la souffrance générée par l’inégalité de la Parole : ceux qui peuvent dire et ceux qui ne peuvent pas, ceux qui peuvent accuser et les autres, silencieux ou bâillonnés dans le silence. L’homme est d’une douceur désarmante, la gentillesse et l’humilité sur ses deux épaules, avec un rire qui secoue une carcasse un peu massive, pouvant paraître empruntée. Mais voilà qu’il s’anime, en souplesse, grâce, fluidité, pour rendre le mot par les mors. Refusant les armes, le terrorisme, la guerre et les injustices, FOGAING martèle cependant que la parole doit aller au combat de la parole. Les idées doivent lutter sur la table des idées. Question d’honneur et de devoir. Et de futur.
Extrait du « Discours de Monsieur Nimportequi »
Ce discours qui figurait dans le premier spectacle de Wakeu FOGAING, fait office de discours inaugural.
« Ces « n’importe qui, n’importe quand » ne doivent pas vous importuner comme ils importunent Monsieur Nimportequi n’importe où, n’importe quand et n’importe comment, pour l’empêcher de dire n’importe quelle vérité qui dénonce la démagogie et le vol de n’importe quelle manière. Non ! Nous ne sommes pas dans la cour du roi Péteux ! Nous sommes une république et, dans la république, des questions se posent. Des vérités se disent. Les vérités construisent-elles des châteaux en campagne ? L’honnêteté remplit-elle discrètement des comptes bancaires à l’étranger ? Le salaire du fonctionnaire dans mon pays très pauvre très endetté lui permet-il de rouler en FERRARI et de vivre dans un luxe insolent ? La conscience professionnelle réclame-t-elle un pourboire ? Si le non est la réponse commune à toutes ses questions, un constat est fait par Monsieur Nimportequi : La corruption qui nous ronge ! La corruption qui nous gouverne ! La corruption qui nous hante et nous détruit est un virus plus invulnérable que celui du sida ! On ne construit pas un état avec sa famille ! On ne gouverne pas un pays seulement avec ses frères ! On ne forme pas un gouvernement avec des amis et connaissances, mais avec des compétences ! Servir un pays n’est pas se servir ! Chacun, tout le monde et tous doivent prendre conscience de la sauvegarde de l’intérêt commun. Dans la bonne gouvernance, le triomphe des démocraties et des libertés ! Je vous empêche de vous abrutir davantage en passant le plus clair de votre temps à regarder dans n’importe quelle chaîne de n’importe quel pays « Ce que n’importe quel n’importe qui » chante pour n’importe quel public n’importe comment, n’importe où et n’importe quand, pour nous transformer en des idiots qui ne pensent pas ! Monsieur Nimportequi, qui ne demande la parole à personne, n’acceptera jamais n’importe quoi ! L’Etat c’et moi ! L’Etat c’est toi ! L’Etat, c’est nous ! L’Etat, c’est tous ! Excellence, Monsieur l’administré d’Etat chargé des affaires courantes, Monsieur le Gouverneur des postes vides, Honorables réputés, Mesdames et Messieurs ! Pour ne pas être long et dire moi-même n’importe quoi devant n’importe qui, je prie tout le monde, chacun et tous de faire n’importe quand, avec n’importe qui, n’importe quel effort judicieux pour que règne la bonne gouvernance, dans la paix, n’importe où, dans ce millénaire. Ainsi, avec la voix de tous et chacun, nous dirons à ces « n’Importe QUI », Qui promettent de servir le pays et se servent, Qui promettent d’enrichir la nation et s’enrichissent, Qui promettent de faire n’importe quoi et le font n’importe comment, de ne pas, souvent, n’importe quand, de n’importe quelle manière, n’importe où et n’importe comment, nous prendre pour n’importe qui »

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Eric Premel - Frontal

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